8 tactiques de violence psychologique dans les relations entre partenaires intimes

Problématique

8 tactiques de violence psychologique dans les relations entre partenaires intimes

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La violence psychologique fait intimement partie des stratégies employées par un agresseur pour exercer du pouvoir dans une relation intime. Il s'agit de stratégies où l’agresseur cible différentes composantes de l’identité et de la santé psychologique d’une personne : sa confiance en soi, son estime de soi, l’image qu’elle a d'elle-même, ses perceptions, ses émotions, ses pensées, sa dignité, son fonctionnement psychologique et sa santé mentale. Il peut ainsi la déstabiliser et l’affaiblir intérieurement pour faciliter la construction d'une emprise psychologique.

Bombardement d’amour (Love bombing)

Le bombardement d’amour consiste à submerger la victime de compliments, d'affection, d'attention, de valorisation, de cadeaux et de gestes d'amour excessifs et inattendus, souvent très tôt au début de la relation. L'objectif de l’agresseur est de créer un lien émotionnel intense pour favoriser un attachement rapide puis des engagements importants de la part de la victime. Il peut ensuite exiger une forme de réciprocité et cultiver un sentiment d’être redevable chez la victime, et ainsi commencer à lui imposer certaines choses. Le bombardement d’amour se produit généralement au début de la relation, mais peut aussi être utilisé au moment de la rémission dans le cycle de la violence, pour rattrapper une victime qui commence à remettre la relation en question, souvent à la suite d’un événement de violence plus manifeste.

Détournement cognitif (Gaslighting)

Le détournement cognitif est une forme de manipulation psychologique dans laquelle l'agresseur tente d’imposer à la victime une fausse version de la réalité. Pour y arriver, il peut discréditer ses perceptions (Tu exagères encore! J’ai même pas crié !), remettre ses souvenirs en question (Ça ne s’est pas passé comme ça ! Tu te rappelles juste de ce qui fait ton affaire ! ) ou disqualifier l’interprétation qu’elle se fait de la réalité (C’était juste une joke !). Un agresseur peut ainsi nier qu’un événement s’est réellement produit ou que quelque chose a été dit, alors que c’est le cas (Je t’ai jamais dit ça ! Tu t’inventes des histoires ! ). A l’inverse, il peut aussi prétendre qu’un événement s’est produit ou que quelque chose a été dit, alors que ce n’est pas le cas (Tu m’avais dit que tu étais d'accord la semaine dernière ! Comment tu as pu oublier ça !).

Complimardes (Negging)

Faire un complimarde, c’est camoufler une insulte ou une critique dans une affirmation qui semble, en apparence, être un compliment. Cette tactique sert à déstabiliser la victime, à la faire douter d’elle-même pour prendre du pouvoir sur elle. Ces complimardes se manifestent souvent sous la forme d’une affirmation en apparence positive mais exprimée avec une pointe d’ironie ou de sarcasme, qui fait comprendre que l’agresseur pense le contraire de ce qu’il dit. Les complimardes peuvent prendre la forme de comparaisons (T’es vraiment belle là mais t'aurais du voir mon ex !), de faux compliments (Tu es bien trop intelligente pour penser ça me semble ?), de fausse critique constructive (T’es super bonne en ski mais il faut que je te dise que c’est vraiment particulier la façon dont tu descends dans les bosses) ou de messages détournés (Ma mère m’a dit que tu avais des bonnes hanches pour porter des enfants !). Les complimardes vont souvent entraîner une réaction négative de la part de la victime envers l’agresseur, qui aura alors une opportunité de l’invalider et de remettre en question son interprétation des faits (Moi je te fais un compliment pis toi tu capotes...). 

Manipulation émotionnelle

La manipulation émotionnelle est une forme de violence psychologique qui consiste à influencer les émotions d’une personne pour la contrôler et la garder sous emprise. L’agresseur tente d’induire des émotions de peur, de terreur, de peine, de souffrance émotionnelle, de honte, de gêne, de colère, etc., en sachant que celle-ci va pousser la victime à agir comme il le souhaite, lui faire perdre de la crédibilité auprès d’autrui ou encore lui faire perdre du pouvoir sur la situation.  L’agresseur peut utiliser différents moyens pour y arriver : menacer, intimider, reprocher, dénigrer, culpabiliser, blâmer, ridiculiser, faire du chantage, insulter, tromper, invalider, infantiliser, etc. 

Privation émotionnelle (Cold Shouldering)

Un autre visage de la violence psychologique est la privation émotionnelle, parfois aussi appelée le traitement du silence. La privation émotionnelle implique que l’agresseur refuse à la victime l'affection, la validation, le soutien et l'amour, dans un objectif de contrôle, de coercition ou encore de punition. Il peut se montrer indifférent aux besoins émotionnels de la victime, l'ignorer délibérément ou la priver de tout contact affectif. À l’inverse, il peut ensuite récompenser les comportements de soumission de la victime en lui donnant l’affection et l’attention dont il l’avait préalablement privée.

Restriction sociale

Les partenaires violents vont très souvent tenter d’isoler leur victime, c’est-à-dire de limiter son accès à ses proches pour l’affaiblir psychologiquement. La victime se retrouve alors coupée des relations qui alimentent sa force intérieure, qui lui fournissent validation et soutien et qui pourraient l’aider à voir plus clair dans sa situation. En plus de l’isolement, la restriction sociale peut également prendre la forme d’exclusion, c’est-à-dire qu’un partenaire peut volontairement exclure la victime de certains cercles sociaux où elle devrait normalement être la bienvenue (la famille, un cercle d’amis, etc.) souvent en manipulant les proches contre elle. Il peut même se servir de cette exclusion dans sa manipulation émotionnelle par la suite pour susciter en elle des sentiments d’humiliation et de rejet particulièrement souffrants. La victime risque ensuite de s’auto-exclure pour éviter de ressentir ces émotions… ce qui contribuera aussi à son isolement, dans un cercle particulièrement vicieux. La restriction sociale permet à l’agresseur de devenir la seule personne de référence pour la victime, ce qui amplifie son emprise sur elle.

Privation de sommeil

Un agresseur peut délibérément priver la victime de sommeil, dans l’objectif de la rendre plus vulnérable. Il peut la réveiller en sursaut alors qu’elle est sur le point de s’endormir, refuser de la laisser dormir pour régler une dispute (souvent volontairement déclenchée à l’heure du coucher), ou la réveiller sans cesse pendant la nuit. Il peut également exiger que sa partenaire se conforme à son horaire de sommeil à lui, sans se préoccuper de sa réalité à elle. La victime peut alors se retrouver en déficit de sommeil important si elle n’a d’autre choix que de se coucher à 3h du matin et de se lever à 6h pour préparer les enfants pour l’école et aller travailler. Elle perd alors beaucoup de résistance et se retrouve grandement affaiblie, tant au niveau psychologique que physique.

Renversement des rôles (Darvo)

L’acronyme DARVO signifie Deny, Attack, Reverse Victim and Offender (Freyd, 1997). En français, on peut traduire par : nier, attaquer et inverser la victime et l’agresseur. C’est une tactique très fréquente où l’agresseur va utiliser différents éléments de la réalité pour donner à la victime le rôle d’agresseur et se positionner lui-même comme la victime. Pour y arriver, l’agresseur va utiliser plusieurs des conséquences de la violence qu’il a lui-même créées chez la victime pour la décrédibiliser et la faire paraître agressive, instable et violente : sa colère légitime, ses comportements de défense (particulièrement les comportements de violence réactionnelle) et plusieurs manifestations du stress post-traumatique, comme la méfiance et l’irritabilité. 

Cette stratégie permet à l’agresseur de gagner beaucoup de pouvoir sur la victime, en manipulant sa propre perception de la situation (elle se sent responsable, elle se perçoit comme l’agresseur), mais aussi celle des proches et des intervenant.es. Cela permet aussi à l’agresseur de menacer la victime de prendre des actions contre elle, en justice par exemple, si jamais elle choisissait de le quitter ou de porter plainte. Cette méthode est largement utilisée, comme en témoigne la vague d’accusations d’aliénation parentale contre des victimes de violence conjugale, les taux de plaintes croisées auprès des Services policiers ainsi que dans les nombreux dossiers de Cour, où des partenaire accusés de violence vont généralement répondre par leurs propres accusations, ce qui risque de mener à l’impression qu’il s’agit d’un “conflit sévère” où les deux parties sont en cause, plutôt que d’une situation de violence conjugale.

Conséquences

L’impact psychologique de ces formes de violence sur les victimes est très important. Elles peuvent devenir confuses, douter systématiquement de leur mémoire ou de leurs perceptions ou avoir l’impression qu’elles exagèrent ou qu’elles sont trop sensibles. Elles peuvent présenter une détresse émotionnelle très importante avec beaucoup d’anxiété ou de colère ou, au contraire, être coupées de leurs émotions et dans un état de déprime. Elles peuvent ressentir une confusion intense quant à ce qu’elles pensent, ressentent ou souhaitent et il devient alors très difficile pour elles de se fier à elles-mêmes, ce qui nuit beaucoup à la remise en question de la situation de violence dans laquelle elles se trouvent et à leur rétablissement par la suite.

Les répercussions psychologiques de ces violences pourraient facilement être interprétées à travers de très nombreux diagnostics de santé mentale ou même de troubles de personnalité. Il importe de tenir compte du fait qu’il s’agit de blessures causées par la violence et privilégier une compréhension post-traumatique des réactions des victimes de violence entre partenaires intimes et que ces réactions sont normales dans les circonstances. Ce dont il faut se rappeler est que ces blessures psychologiques peuvent guérir, avec du soutien, de la validation, de la compréhension et du temps.

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